Le site du Lac des Taillères et ses nuances de couleurs et de lumières, est un témoin de l’aménagement respectueux de la nature par les activités humaines. En 2021, le festival a présenté 14 artistes suisses et internationaux·ales et près de 100 photographies qui illustrent le rapport de l’homme avec la nature sous le titre Naturel ?
COMMISSARIAT
Caroline Stevan
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Yuri Andries(Belgique, 1986)
La nouvelle Route de la Soie, grand projet du président Xi Jinping dévoilé fin 2013, est un ensemble de liaisons maritimes et ferroviaires entre la Chine et l’Europe, chantier pharaonique parfois contesté pour ses visées impérialistes. Elle fait évidemment écho à l’ancienne Route de la Soie, symbole mythique de l’émergence des liens économiques et culturels entre Asie et Occident. Sur les traces de Marco Polo, Yuri Andries a documenté en 2018 le démarrage du projet. Un sillon artificiel creusé dans les majestueuses montagnes et les parcs nationaux de l’ouest chinois.
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Apian (Aladin Borioli)(Suisse, 1988)
Loin de l’image d’Epinal des quelques ruches bigarrées posées au milieu d’un pâturage de montagne, la technologie bouleverse le domaine apicole. L’incursion des ruches intelligentes transforme la relation intime que les apiculteur·rice·s nouent avec leurs abeilles, probablement le lien le plus étroit que nous ayons réussi à développer avec une espèce aussi étrangère à la nôtre. The Intimacy Machine est une archive digitale et un plan pour un meilleur usage de la technologie au sein des pratiques apicoles, part intégrante du projet Apian. Ici, un bourdon momentanément augmenté d’une antenne afin que ses déplacements puissent être suivis et analysés. Cette photographie est extraite d’une recherche britannique conduite par Joseph L. Woodgate & Lars Chittka.
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Juan Arias(Colombie, 1979)
Invité en résidence en Valais par SMArt en 2017, le Colombien Juan Arias a décidé de travailler sur le rapport humains-loups, tissé d’imaginaires et de peurs et dans lequel l’instinct, donc le naturel, tient une grande place. Filant les métaphores, l’artiste dresse un parallèle entre le loup et l’étranger, la figure supposée sauvage faisant irruption dans un monde supposé civilisé. L’une des photographies de la série Le loup à notre porte montre le portrait d’un migrant noyé sous toutes les images du Rapport sur la migration 2016 en Suisse. Seul élément distinctif : sa casquette, avec l’inscription « Obey », qui est à la fois une marque de vêtements et qui signifie « Obéis » en anglais. Rêver de domestiquer le loup, comme l’étranger.
Sur une proposition de SMArt -
Delphine Burtin(Suisse, 1974)
Delphine Burtin aime jouer avec les notions d’illusion et de perception. Dans Géométrie du rocher, une installation conçue pour le festival Alt.+1000, elle s’intéresse à la représentation de la montagne sous sa forme artificielle. D’un faux Cervin dans un parc d’attraction à un décor alpin au zoo de Vincennes, elle questionne la manière dont nous imaginons et idéalisons les sommets et la façon dont nous intervenons dans le paysage. La montagne artificielle dialogue avec nos représentations emblématiques de la nature ; grandeur, éternité et puissance.
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Céline Clanet(France, 1977)
Quels types de liens unissent les rennes et les éleveur·euse·s de Laponie ? Comment un mode de vie millénaire peut-il résister aux assauts de la mondialisation, un territoire aux convoitises militaires et industrielles ? Que reste-t-il de naturel dans la migration d’un troupeau lorsqu’elle se fait par bateau ? Dans la péninsule de Kola, en Russie, et dans le village sámi de Máze, en Norvège, Céline Clanet part depuis plusieurs années à la rencontre des populations et des animaux qui habitent les régions polaires et inhospitalières.
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Charles Delcourt(France, 1977)
Le paysage du Nord de la France est entièrement manufacturé. Dans le bassin minier autour de la ville de Lens, l’humain est allé jusqu’à façonner les montagnes. Ces sommets de schiste, appelés terrils, sont les résidus de l’exploitation du charbon et dépassent parfois 100 mètres de hauteur. Dans Face Nord, Charles Delcourt, architecte paysagiste de formation, les a suivis du regard, il a documenté leur place dans ce panorama d’ordinaire lisse et les nouveaux usages qu’ils ont suscités. Vingt ans après les dernières fermetures de mines qui les ont créés, les terrils sont devenus pistes de ski ou de VTT, lieux de promenade ou stations d’épuration, champs de vigne.
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Jean-Marie Donat(France, 1962)
Depuis plus de 35 ans, Jean-Marie Donat constitue une immense collection de photographies trouvées au hasard des marchés aux puces et des salles de ventes. La série Rorschach est composée de paysages montagneux se reflétant dans des plans d’eau. En renversant ces photographies à la verticale, la nature devient sculpture ; la symétrie créée par le miroir de l’eau produit des visuels abstraits qui évoquent le fameux test de Rorschach. Dans les années 1920, le psychiatre suisse éponyme soumet des taches symétriques à ses patient·e·s qui en font une interprétation libre. Ce qu’ils ou elles voient dans les formes abstraites permet d’évaluer leur personnalité.
Sur une proposition du festival Images Vevey -
Hilairadou Dunuya-Niekissé et Ismaela Zrydaoré( Duguland et Mali, 2801 et 2799)
Pour la première fois en Europe sont exposées les images d’Hilairadou Dunuya-Niekissé (recto) et la recherche d’Ismaela Zrydaoré, Jurassic Glaciation Mission 2839 (verso). Vers l’an 2335, suite à l’éruption brutale du Vésuve, le refroidissement du Gulf Stream entraîne un basculement du système climatique et provoque une grande glaciation qui recouvre l’hémisphère Nord. Cette catastrophe naturelle pousse la population occidentale à fuir sur le continent africain et en Asie. De nombreux réfugiés périssent lors de cet exode vers le sud. Cinq cents ans après cette tragédie, une équipe scientifique pluridisciplinaire malienne explore pour la première fois le continent européen recouvert de glaciers. Elle a pour mission de décrire ce territoire inhospitalier et de retrouver les reliques de la civilisation occidentale disparue, naturelles ou manufacturées. Extraits du journal de bord
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Jin Lee(États-Unis, 1961)
Jin Lee explore les points de frottement entre les paysages et les environnements bâtis. Dans Small Mountains, une série réalisée à Chicago entre 2006 et 2012, elle photographie des tas de sel aux abords des lieux de stockage, façonnés par l’utilisation humaine et la météorologie. Le jeu d’échelle et le cadrage serré laissent croire à des montagnes immenses. L'artiste cherche des échos à la beauté et aux sujets iconiques de l’histoire de l’art dans la trivialité du quotidien.
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Catherine Leutenegger(Suisse, 1983)
A l’invitation du festival, Catherine Leutenegger a récolté des échantillons au bord du Lac des Taillères, dans le prolongement de son travail explorant la science et les nouveaux outils d’acquisition d’images. Ces bribes — végétales, minérales, animales ou manufacturées ? — ont été amenées à Lausanne, pour être scannées dans un laboratoire de l’EPFL via une technologie unique en Suisse : la micro-tomographie à rayon X. Cet appareil scientifique analyse les propriétés extérieures et intérieures des objets sans les altérer. Les visualisations qui en résultent, regroupées dans la série Unnatural Studies, sont composées de la juxtaposition de plusieurs milliers d’images aux rapports d’échelle et formes ambigües. Chaque tirage est présenté là où l’échantillon a été ramassé. Saurez-vous les reconnaître ?
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Odile Meylan(Suisse, 1972)
Parallèlement à son métier de photographe de presse, Odile Meylan travaille à des séries plus personnelles. Olivier Longchamp est le voisin de la ferme dans laquelle elle a grandi dans le Gros-de-Vaud. De cette enfance, elle garde un souvenir contrasté, entre le parfum des montagnes de pommes, le soleil sur les blés et cette gêne « de sentir l’étable ». Pour se réapproprier cette identité rurale, elle a décidé de documenter en 2019 le quotidien du paysan d’à côté. Avec humour et poésie, elle interroge notre lien à la terre et aux animaux. Témoignage
Sur une proposition de la Nuit de la Photo, La Chaux-de-Fonds -
Nelly Rodriguez(Suisse, 1981)
On les appelle les ermites des montagnes. Ils ont choisi de se retirer du monde pour vivre au plus près de la nature. Nelly Rodriguez a suivi deux d’entre eux, Paul et Gino, dans les vals les plus reculés du Tessin. Avec pudeur, l’artiste en dresse des portraits impressionnistes, par petites touches. Mêlant les espaces construits et naturels, la série Isole montre des hommes tentés de se fondre dans le paysage. En parallèle, l’artiste a travaillé sur une autre série, Alp Stilleben, des natures mortes qui évoquent le quotidien des alpages.
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Tiina Törmänen(Finlande, 1981)
Depuis 2014, Tiina Törmänen explore en hiver les hautes terres arctiques en Finlande, en Suède et en Norvège. Au petit matin, après les nuits polaires, le ciel et les courbes de la terre se parent de teintes étranges, comme surnaturelles. L’artiste évolue parfois à -25 °C, au plus froid de l’année, dans un environnement qu’elle qualifie alors d’« hostile » et de « désert arctique ». Et pourtant, ses images de la série Tyyni (« temps calme » en finlandais) semblent si douces… La série Northern light, présentée dans un view-master (visionneuse), montre des aurores boréales et des ciels fantastiques.